Mercredi 2 avril
A l'aube du cinquième jour, nous voila parmis les cargos et nous avons parcouru plus de 1000 milles. Pour la premiere fois ou presque, nous sommes avec du vent à moins de trente nds (23/26 depuis la fin de nuit). Greg a maudit les banettes flottante toute la nuit et a passé son temps à surveiller les cargos car il avait decidé qu'il ne pourrait pas dormir. Ce qui a fait le bonheur de nous autre evidemment, il est vrai que les supports de banette ayant recassé les bidouillages avec des bouts sont perilleux,Patrick nous a fait un one man show hier soir avec sa banette heureusement que l on ne filme pas nos enfants et petits enfants auraient moitié honte!! Du coup Tim va encore nous faire une nuit de douze heures dans son pouf et ses sacs à voiles. L'ascenceur que nous avons attrapé vendredi soir risque de faire une pose cette nuit au milieu du golfe, ce qui va ralentir un peu notre progression. Je me prépare psychologiquement à lacher un ris dans la gv mais c'est toujours un moment délicat. Va-t-elle s'ouvrir en trois ou continuer comme si de rien etait encore quelques deux cent milles de plus ? On se croirait a la roue de l'infortune de mer) !
Cinquième jour à bord de 400Mille sabords.
Aujourd'hui premier jour de soleil. L'air est frais, mais ce soleil fait du bien. Le vent a enfin molli, il n'est plus que de 20 noeuds. Ca fait 24 heures que notre capitaine nous le promettait, genre demain on coupe gratis. On aurait jamais dû parler de poilus et de tranchées la dernière fois, car ici c'est Verdun. Les bannettes ont explosées les unes après les autres sous les coups de buttoir de la mer. Nous baignons dans la soupe de tomate que notre capitaine a projeté dans tout le bateau lorsqu'une vague plus forte que les autres est venue nous stopper nette sur la piste. Il n' y a plus vraiment d'endroit pour dormir dans ce bateau. Seul notre gendarme continue à y croire, bricolant sans relache une banquette qui s'effondre sous le seul poids de son sac de couchage..
La nuit passée a été lumineuse, d'abords sous les éclairages des nombreux cargos que nous avons croisés en traversant les rails et par ce magnifique ciel étoilé que nous avons eu pour la première fois. C'était cosmique. Ca y est nous sommes dans le golfe. Comme qui dirait "ça sent le retour au pays".
Après une longue absence, des milliers de milles plus tard, quelques caïperinas après, le revoilà milles sabords. Plus fier que jamais. Blessé, les ailes fragiles, mais là. Je pense que nous espérons tous que l'aventure continue pour Lionel et pour son fringuant bateau.. Petit interlude musical, notre gendarme essaie de monter sur sa bannette qu'il a bricolé toute la matinée..... Face à la violence de cette scène je vous propose d'évoquer ensemble la problématique de la reproduction du homard, dans le lac central de la Guinée Equatoriale..... La scène est énorme........Atttention.....il ne peut plus bouger....je l'avais dit, je l'avais dit.... Et ouiii, il demande qu'on lui passe sa petite poche avec son masque de nuit...je suis fier de lui, rien ne lui fait peur.. mais il faudrait que quelqu'un lui dise que ça va casser... Et voilà et voilà.. et voilà...
C'est en Guinée Equatoriale que pour la première fois l'homme tenta l'insémination du homard. les résultats furent encourageant et ce procédé de reproduction fait maintenant partie intégrante du process de production....Pendant que notre gendarme tente une nouvelle fois d'installer sa bannette, reprenons notre récit. Tim actuellement de quart hisse toute haute la grand voile pour la première fois depuis notre départ. J'éspère que vous aurez l'occasion de voir cette grand voile couverte de bas en hauts de scotchs qui la maintiennent en vie jusqu'aux Sables d'Olonne.
Normalement les dernières 48 heures devraient être clémentes, nous avons même prévu de pêcher et c'est pour ça que notre gendarme y voudrait bien reprendre des forces. On l'aime notre Patrick maintenant il viendra toujours avec nous. Allez on se met un peu de musique et on pédale pour arriver plus vite...
Jeudi 3 avril
Ces quelques jours de mer arrivent à leur terme. Le huis clos que nous venons de vivre à quatre (Patrick, Lionel, Tim et Grégoire) sur l'atlantique entre Horta aux Açores et les Sables d'Olonne est exactement le genre de huis clos improbable que permet la mer.
Une belle chose qu'il m'a été donné de voir pendant ces quelques jours c'est le duo que forment Lionel et Tim. Je connais Lionel depuis longtemps, mais je découvre le jeune Tim. Je ne voudrais pas révéler trop de cette intimité qui leur appartient, mais juste partager un sentiment. J'ai rencontré Lionel en 2001 lors de la Mini Transat, cette même course initiatique que Tim se prépare à faire l'an prochain. Lionel m'a toujours impressionné par son sens de la mer. Il a en lui un bon sens, une intelligence et une humilité indispensable si l'on souhaite naviguer durablement sur la mer. Ce bon sens et cette humilité, c'est celle que l'on prête aux anciens dont on respecte le lien qu'ils ont su créer avec la mer. Gagner, perdre, partir à donf, tout casser ; on sait tous la fragilité de tout ça quand on est en mer.
Ce qui est durable finalement, c'est prendre le temps, fiabiliser, renforcer, comprendre, construire, réparer. Tout aujourd'hui doit être pris, avalé, dévoré, jeté. A terre on perd souvent le sens des choses et c'est un peu ce que l'on aime retrouver lorsque l'on navigue. Retrouver sa place. Lionel fait partie de ces gens qui avancent à la vitesse du respect des choses en commençant par prendre les choses comme elles se présentent et en finissant lorsqu'elles sont un peu mieux. Avec Lionel les silences en disent beaucoup et les mots sont utilisés lorsqu'il y a quelque chose à dire. C'est étrange comment Tim malgré son jeune âge, a déjà un peu de ce mutisme qu'ont les personnes qui possèdent une intimité profonde. Son sourire est toujours rayonnant, sensible, il y a en lui une joie simple qui est quelque chose de très doux. C'est surprenant de le voir se nourrir si profondément des choses qui se
passent autour de lui. On sent bien que tout cela alimente quelque chose qui est en ébullition, cette ébullition si précieuse quand on a 20 ans. Finalement ce qui impressionne le plus c'est la solidité de ce duo qui s'est construite mille après mille. On imagine bien que cela ne s'est pas fait à coup de grandes révélations, de grandes certitudes, mais silences après silences.
La vie ce n'est qu'un relais que l'on saisit puis que l'on passe. Alors que l'un vient de poser doucement un pied, l'autre pense au moment où il va se retirer. Ca donne juste envie de les laisser en se retirant sur la pointe des pieds.
J'aime la mer pour ce qu'elle vient chercher en nous.
Merci Lionel et Tim et Patrick pour ces quelques jours passés avec vous depuis l'îles des açores. J'avais besoin de vivre tous ça. Je sais Yo que tu l'avais vu quand tu m'a saisit la main pour venir avec vous.
Tchao les gars et bon vent à la prochaine....
Greg...
Dernière nouvelle...
D'après Lionel, première Eta : demain vendredi matin entre 9h30 et 12h.
Plus de précisions demain matin au point de 7h30.